Nadelgrat - Traversée Stecknadelhorn - Dirruhorn
Après une superbe journée d'escalade à la Pierre Avoi hier, nous continuons notre week-end prolongé en montagne ! Eh oui, enfin on se rattrape sur ce qu'on n'a pas pu faire ce printemps et on s'en donne à coeur joie !
Au programme cette fois-ci le Nadelgrat, splendide et apparemment très longue arête, située entre la vallée de Saas et de Zermatt. Notre cher ami Pascal se joint à nous et nous partons en direction de Gasenried vers 10h00.
Nous ne sommes pas en avance et je pense que nous allons sentir la chaleur pour monter à la cabane, mais en même temps nous n'avons pas de stress, si ce n'est d'arriver pour l'heure de souper.
Initialement nous avions prévu de dormir à la Bordierhütte, de faire le Nadelgrat et de dormir ensuite à la Mischabelhütte pour faire le troisième jour la traversée Lentzspitze-Nadelhorn.
Mais la météo annoncée pour dimanche nous fait renoncer à ce projet, en plus certainement trop ambitieux et nous nous "contenterons" du Nadelgrat :-) Par contre nous décidons de ne pas changer les réservations et nous ferons notre course depuis la Mischabelhütte, ce qui nous évitera en plus de devoir affronter le fameux couloir pourri et dangeureux qui conduit au Dirrujoch.
De plus nous décidons de descendre par le Galenjoch, du coup nous ne nous retrouverons pas sur le glacier, assez crevassé, l'après-midi. Cela se fait apparemment beaucoup moins dans ce sens, mais nous verrons bien.
Pour l'instant, on ne se la joue pas très écolo et nous allons poser la voiture de Chouchou à Gasenried ainsi nous aurons un véhicule à l'arrivée de la course. Nous repartons ensuite du côté de Saas Féé d'où nous prenons le téléphérique pour Hannig. Oui, comme dit Pascal, l'alpinisme c'est un sport de fainéant et si on peut s'économiser 1h45 de marche, on ne va pas s'en priver :-)
De Hannig il reste environ 3h00 de marche pour atteindre la Mischabelhütte. Nous connaissons déjà la cabane pour avoir fait le Nadelhorn il y a quelques années et j'en garde un merveilleux souvenir, notre première course PD+ et pour nous ce n'était pas rien !
Le chemin est tout d'abord à flanc de coteau et nous offre une superbe vue sur l'Allalin, l'Alphubel et même le Rimpfischhorn qui pointe son nez tout au fond. C'est magnifique, les prés tout en fleurs, les chèvres et au fond les 4000 !
Nous montons d'un pas tranquille, car nous ne voulons pas nous fatiguer pour demain et surtout il est 13h00 passée et on crève de chaud ! Heureusement un léger vent permet de respirer un peu, mais on va sentir passer la montée !
La Mischabelhütte est l'une de mes cabanes préférèes, perchées au-dessus de Saas Fée, on se demande comment elle tient tout là-haut ! De plus la montée est vraiment ludique car elle remonte sur près de 700 m l'arête du Schwarzohorn bien aménagée avec de nombreux câbles et des échelles, style via ferrata.
Par contre il est vrai qu'il faut être attentif et si l'on n'a pas le pied sûr, mieux vaut s'encorder. Il y a en effet, eu de nombreux accidents ici, souvent en descendant, lorsque les gens sont fatigués !
Enfin, pour l'instant chacun d'entre-nous trouve son rythme et je suis bien sûr la dernière :-) J'ai les jambes un peu lourdes et je sens le manque de sommeil des derniers jours, mais j'avance quand même !
Je trouve l'excuse d'admirer le paysage et de boire pour faire de petites pauses et ça me fait du bien ! Je ne me souvenais pas que cette cabane était si loin ! Ou... je me demande s'ils ne l'ont pas déplacée ?! :-)
Du coup je prends le temps et je profite de ce qui m'entoure, derrière moi Fletschhorn, le Lagginhorn et le Weissmies, en dessous Saas Fée qui commence à séloigner, ouf enfin !
J'arrive à la cabane 1h00 après Pascal qui dort sur la toute nouvelle terrasse et une dizaine de minutes après Chouchou. Ben, je dois dire que je suis contente d'y être et je vais aussi profiter de la belle terrasse, trop chic !
Nous passons le reste de l'après-midi au soleil, il fait même chaud à plus de 3300 mètres ! Ah, est-ce qu'enfin demain nous aurons aussi un peu chaud ? Je l'espère, parce qu'après la fricasse à la Dent Blanche, faut plus me parler de canicule !
Le repas est servi très tôt, à 17h30, ce qui finalement ne nous dérange pas trop, puisque nous n'avons pas dîné et que nous allons nous lever à 2h00 du matin, donc nous pourrons aller dormir vers 8h00.
Nous passons donc une courte soirée paisible et mangeons divinement bien, avant d'aller nous coucher en espérant bien dormir ! Par malchance, notre dortoir est pile au-dessous de la cuisine et ce n'est pas isolé, donc impossible de dormir.
Nous aurons droit à un calme relatif de 22h30 à 1h00 du matin et ça repart. Aussi aucun problème pour se lever à 1h55 précise :-) Nous prenons notre temps pour déjeuner et quittons la cabane vers 2h45.
Il fait chaud lorsque nous commençons à marcher et la première partie rocheuse au-dessus de la cabane me met tout de suite dans le rouge. Néanmoins je garde un bon rythme, mais je souffre déjà, ça promet ! Dans ces rochers, je n'arrive pas à trouver un pas régulier et je m'essouffle, vivement le glacier.
Finalement cela passe assez vite et bientôt nous nous arrêtons pour mettre nos crampons. Nous voici enfin sur le glacier et nous nous dirigeons vers le Windjoch dans le calme.
Il y a passablement de cordées parties pour la Lentzspitze et deux cordées devant nous, qui nous l'imaginons vont également faire le Nadelgrat, vu l'heure matinale.
Je trouve enfin un pas régulier et nous montons assez vite jusqu'au Windjoch sans oublier de passer un pied dans une crevasse au passage et Pascal qui se moque de moi fait pareil !
Au moins nous sommes au clair sur le manque de regel et d'autant plus contents de redescendre par le Galenjoch. Arrivés au Windjoch nous faisons une rapide pause, puis continuons notre chemin sur l'arête NE qui conduit au Nadelhorn.
Comme nous l'avons déjà fait, nous décidons de partir directement sur la Stecknadelhorn, mais entre-deux le jour s'est levé gentiment et nous constatons que le beau ciel étoilé a fait place à de menaçants nuages noirs !
Nous nous arrêtons alors qu'il commence à neigeoter et nous scrutons le ciel inquiets ! Nous hésitons à continuer ou à faire demi-tour ! C'est maintenant que nous devons prendre notre décision et si nous continuons, nous n'aurons pas le choix que d'aller jusqu'au bout.
Après quelques minutes de discussion, nous décidons de faire confiance aux prévisions météo et de continuer. J'espère vraiment que le temps va se lever, car en plus il ne fait pas chaud !
La traversée sour le Nadelhorn commence à etre en glace et nous mettons quelques broches pour nous assurer. La suite est en bonne neige et nous avançons rapidement jusqu'au Stecknadelhorn, notre premier sommet du jour, 4241 m !
Derrière nous une cordée de trois, deux sympathiques dames avec un guide et devant une cordée de deux, sinon nous sommes seuls. Nous ne nous arrêtons pratiquement pas et attaquons la descente du Stecknadelhorn alors que le soleil semble enfin vouloir pointer son nez !
Nous sommes enfin en train de nous dire que nous avons pris la bonne décision et qu'il va faire beau ! La descente n'est pas difficile, mais le rocher est très moyen et il faut faire attention à ne pas jeter des pierres sur son copain de cordée !
Malgré tout ça avance rapidement et nous sommes déjà au pied de l'arête en neige qui conduit à l'Hobärghorn ! C'est magnifique avec le soleil, on se régale et on profite du moment présent sans penser à rien d'autre.
Quelques minutes plus tard nous atteignons déjà l'Hobärghorn, notre deuxième sommet du jour qui culmine à 4219 m ! La cordée de deux devant nous fait l'aller-retour et nous ne sommes donc plus que deux cordées.
Si le soleil semble vouloir s'installer, c'est le vent qui vient se lève et j'ai bien peur que la suite de notre journée soit semblable à celle passée à la Dent Blanche le week-end dernier !
Nous enfilons nos doudounes, mettons nos capuchons et continuons à avancer ! La route est encore longue et nous nous mettons cette fois-ci le cap sur le Dirruhorn le troisième et dernier sommet de notre journée qui culmine à 4035 m.
Pour l'instant notre timing est bon et nous sommes contents de nous ! On se suprend même à se dire que nous serons à Gasenried en milieu d'après-midi pour dîner. Finalement ce n'est pas si long que ce que nous pensions ! Mais nous ne savons pas encore que nous allons vite déchanter !
La montée au Dirruhorn est en rocher plutôt bon et l'on y trouve quelques passages sympathiques ! Nous atteignons le sommet vers 10h00 et nous faisons une rapide pause.
Nous regardons une dernière fois toute l'arête que nous avons parcourue et il faut reconnaître que c'est un sacré chemin ! Cela me paraît presque incroyable d'avoir fait tout ça en "si peu de temps" !
Mais maintenant le rêve est fini ! Devant nos yeux, se dévoile l'interminable arête qui va nous conduire au Galenjoch ! Je n'en reviens pas, c'est énorme et je dois avouer que mon moral en prend un coup !
Dès les premiers pas, nous constatons que le rocher est plus que pourri ! Tout ce que nous touchons part sous nos pieds et sous nos mains et d'énormes blocs se détachent !
Nous savons que nous partons pour plusieurs heures de galère, mais pas à quel point ! Chaque pas est délicat et nous essayons de trouve le meilleur cheminement pour avoir du rocher correct, mais c'est quasiment impossible.
C'est la première fois que je "lâche" mentalement dans une course et je commence à avancer comme un robot. Pascal et Chouchou me tiennent encordée comme un chien à une laisse pour ne pas me laisser le temps de faire un faux pas.
Je me dis que nous allons y passer la nuit et que nous n'y arriverons jamais ! C'est moralement très dure et pour la première fois, je n'ai qu'une envie, c'est qu'on vienne me chercher !
Malgré tout je ne dis rien, je ne me plains pas et j'avance. Je regarde mon altimètre qui ne bouge quasiment pas, c'est désespérant ! Quoi qu'il en soit, il n'y a rien à faire, si ce n'est continuer.
Encore un rappel, encore un gendarme à grimper, on descend, on monte et cela semble ne jamais vouloir s'arrêter ! La cordée avec qui nous évoluons plus ou moins ne va pas beaucoup plus vite que nous.
Mais enfin, tout calvaire a une fin et nous atteignons le Galenjoch plusieurs heures après avoir quitté le Dirruhorn ! Nous faisons une pause et j'englouti une barre énergétique et un paquet entier de pâte de fruit !
Après dix minutes je suis à nouveau en pleine forme et surtout nous sommes heureux d'être sortis de cette galère ! Il nous reste maintenant à nous laisser glisser sur le névé et d'aller attraper une sente pour retrouver bien plus bas le chemin de la Bordierhütte.
Nous rattrapons l'autre cordée au départ du chemin où un panneau indique encore 2h00 jusqu'à Gasenried. Cela fait environ 12h00 que nous sommes en route, mais heureusement la forme est revenue !
Nous avançons maintenant assez rapidement et pensons arriver au restaurant vers 17h30-18h00 et l'appel de la terrasse nous motive ! Mais pour arranger le tout, le ciel commence à devenir dangereusement noir et il commence à pleuvoir. Nous entendons l'orage pas si loin et nous commençons à courir !
Il y a un petit chalet plus bas et nous voulons nous y réfugier. Mais l'orage se rapproche et nous nous cachons sous une grosse pierre après avoir lancé nos piolets, bâtons et toute notre ferraille ! Il pleut des trombes et nous restons à l'abri un bon quart d'heure puis, lorsque l'orage semble s'éloigner, nous reprenons notre course.
Nous sommes gentiment accueillis avec l'autre cordée par de sympathiques bergers qui offrent des bières aux garçons et me font un bon café bien chaud ! Nous restons plus d'une demi-heure au chaud avant de reprendre note chemin alors que le ciel devient à nouveau bleu !
La dernière demi-heure se passe sans problème et nous atteignons Gasenried vers 19h00, soit environ 16h00 après notre départ de la Mischabelhütte et nous sommes étonnament en forme après cette sacrée journée !
Inutile de dire que nous nous étalons sur la terrasse et mangeons tranquillement, la couse du jour sous nos yeux ! Voilà une journée que nous ne sommes pas prêts d'oublier et surtout une course que nous ne referons jamais ! Si la traversée des sommets et magnifique, la descente est détestable et la solution du couloir n'est pas forcément meilleure d'après les guides du coin.
Mais voilà, trois nouvelles coches à mettre à notre liste et une sacrée aventure !
Album photos : http://www.leschouchoux.com/album-2174006.html
Topo : http://www.camptocamp.org/routes/229568/fr/stecknadelhorn-nadelgrat-a-la-descente-par-le-galenjoch