Tour Ronde / Face nord - 3792 m
Le printemps s'installant gentiment, le temps est enfin revenu d'aller voir ce qu'il se passe en altitude ! Ca fait depuis le Pérou que nous n'y sommes pas allés, et après cet hiver mitigé, j'ai les globules en ébullition :-)
Et puis, cette période que j'adore, est aussi celle où nous retrouvons en général notre ami Pascal pour notre plus grand plaisir. Notre dernière et magnifique sortie date de la traversée du Mont-Rose l'été dernier et c'est toujours une joie de se revoir.
Le 19 mars étant férié en Valais, je décide de prendre congé le 20 et je rejoins Pascal à Chamonix dans la matinée pour monter à l'Aiguille du Midi. Il a skié la Vallée Blanche dimanche et me propose d'aller faire la face nord de la Tour Ronde, qui a l'air d'être en bonnes conditions. Inutile de préciser que je ne lui dis pas non ! D'ailleurs c'est le seul homme à qui je ne dis jamais non :-)
Nous voulions déjà la faire l'année d'avant, mais lorsque nous étions arrivés, il y avait déjà plusieurs cordées dans la face et nous avions donc opté pour l'Aiguille de Toule, bien plus tranquille, avant de partir faire la Brêche Puiseux le lendemain.
L'été dernier rebelotte, mais cette fois-ci c'est Chouchou qui avait une tendinite au bras et nous nous étions repliés sur les Aiguilles d'Entrèves. Au final nous avions passé de belle journée, mais toujours pas fait la Tour Ronde :-)
Donc, cette fois-ci semble être la bonne et si tout va bien, demain nous serons enfin tout là-haut ! Pour une mise en jambes tranquilles, étant donné le peu de sorties effectuées cette année, et par conséquent un physique lamentable, nous décidons pour aujourd'hui de simplement nous rendre au refuge Torino depuis l'Aiguille du Midi.
Ce qui signifie une journée sans stress, à profiter du soleil, à admirer le paysage en faisant un pic-nic et à pipeletter, y a pire ! Nous nous retrouvons vers 10h00 et c'est noir de monde ! En même temps vu la météo, on ne s'en étonne pas et de toute façon la plupart des personnes vont skier la Vallée Blanche et peu resteront en refuge.
Nous sortons de la cabine sans blessures ! C'est que c'est toujours risqué, vu l'entassée qu'on en a, comme on dit chez nous :-) Mais malgré le monde, il faut reconnaître que les gens sont très sympa et l'ambiance bon enfant.
L'arête étant équipée en hiver, nous décidons de ne pas nous encorder et je mets juste mes crampons pour descendre. Au passage, je perds une pièce, du coup mon crampon et nous frôlons la catastrophe ! Si je ne retrouve pas la pièce, pas de Tour Ronde demain !! Nous farfouillons dans le tunnel et Pascal la retrouve.
Ouf sauvé ! Y a plus qu'à le régler à nouveau et à y aller. C'est fou, on avait le préssentiment que ces crampons allaient nous encrasser ! C'est qu'on a l'habitude des aventures "cramnponesques", dont on avait eu le premier épisode à l'Aiguille de Toule ! :-)
Enfin après une descente rapide de l'arête en zigzagant entre les cordées de parfois 7 ou 8 personnes, nous arrivons entiers et mettons nos skis pour descendre.
Si je commence à avoir l'habitude de venir ici, je dois avouer qu'à chaque fois je suis impressionnée par la vue grandiose ! Et ça me fait toujours quelque chose au coeur de regarder à gauche à droite et de pouvoir me dire que je suis allée à tel ou tel endroit.
Mais enfin, il y a encore de sacrés projets ici, dont la fameuse traversée des Grandes Jorasses et l'Arête du Diable au Tacul que nous projetons de faire cet été si la météo le veut bien ! Et puis tant d'autres !!! Heureusement, la vie est longue :-)
Mais pour l'instant, il n'y a rien d'autre à faire que de se laisser glisser et d'admirer le paysage, j'adore !! Nous prenons notre temps et regardons ici et là les cordées dans les voies, les goulottes que nous avons faites et rions comme des gamins en repensant à notre aventure dans la Valéria l'année dernière !
Nous arrivons bientôt au plat et mettons nos peaux pour remonter en direction du refuge Torino. Il doit y avoir à tout casser 200 m de dénivelé et vu la chaleur ça nous suffit.
Au passage, nous jetons un oeil à notre course de demain, magnifique ! Enfin ça me semble passablement en glace depuis le goulet, mais Pascal ne s'en inquiète pas, alors moi non plus ! :-)
Arrivés au col, nous nous posons au soleil durant plus d'une heure pour faire notre pic-nic ! Pain, saucisson, fromage, sandwich à la viande séchée, tresse russe maison et chocolat au menu, que demander de mieux !
Vers 15h30 nous nous décidons à rejoindre le refuge et passons le reste de l'après-midi au coin du feu, pour une fois pas de monde et donc une tranquilité incroyable !
Comme toujours, nous ne voyons pas le temps passer, entre les histoire à se raconter, les projets à organiser et les aventures à se remémorer ! L'heure de repas arrive donc vite et nous voici déjà devant notre délicieuse minestrone !
A part nous, il y a deux autres cordées et des ouvriers, c'est tout ! L'une des cordée va faire la voie normal de Tour Ronde, l'autre une goulotte et nous devrions donc être seuls dans notre voie, trop chic !
Vers 21h00 nous décidons d'aller nous coucher pour essayer de bien dormir, même si nous ne nous levons pas trop tôt demain. Le petit déjeuner est servi à 6h00, c'est presque la grasse mat', d'autant que nous mettons le réveil à 5h50 ! Dix minutes le matin en cabane, c'est amplement suffisant !
Après une nuit mitigée, nous nous levons malgré tout en assez bonne forme pour notre course du jour. Nous déjeunons tranquillement et quittons le refuge alors que le soleil se lève.
Comme toujours, c'est un moment magique dont on ne se lasse jamais ! Le ciel passe du rose au jaune et au orange, c'est vraiment grandiose ! Quelle chance nous avons de pouvoir assister à un tel spectacle !
Nous marchons jusqu'au col afin de ne pas avoir besoin de mettre nos peaux, puis nous laissons glisser en direction de la Tour Ronde en restant le plus haut possible.
Ainsi, nous ne devons mettre nos peaux que pour un petit quart d'heure et arrivons au pied de la voie vers 7h30. Nous nous encordons, mettons nos crampons et commençons monter tranquillement vers la rimaye.
Celle-ci n'est pas si évidente à passer car si elle est bouchée, la neige est comme du sucre au dessus et il n'est pas facile de grimper. Nous la longeons et devons redescendre pour trouver enfin un passage.
Pascal passe sans soucis et remonte la pente encore pas trop raide pour aller trouver de quoi mettre une protection contre les rochers. La neige est moins bonne que nous le pensions et il faut faire attention.
Malgrés tout elle devient meilleure à l'approche du goulet et nous avançons plutôt bien, à corde tendue. Au niveau du resserement, la neige fait place à de la bonne glace et c'est un régal.
Nous commençons à tirer des longueurs, mais nous nous nous faisons plaisir ! Les crampons tienne t bien, les piolets accrochent sans soucis et pour une fois je ne galère pas en enlevant les broches !
Et au passage, il faut dire que la vue est toujours grandiose et qu'il commence à y avoir une belle ambiance comme j'aime ! Trop bien, surtout qu'il ne fait pas trop froid et que nous sommes à l'abri du vent, que demander de plus ?!
Nous avons jusqu'ici bien avancé et Pascal me dit qu'il reste deux longueurs pour sortir du goulet. De là, le sommet n'est plus si loin, paraît-il. Ca me paraît bien rapide, mais effectivement nous devrions bientôt avoir fait la moitié.
Mais comme dit toujours Pascal, en montagne on ne sait jamais ce qu'il peut se passer et on ne sait jamais d' avance à quelle heure on va rentrer. Et bon, avec moi derrière encore moins :-)
Il nous reste une dernière longueur pour sortir du goulet, une jolie traversée comme j'aime pas ! Ben oui, ça me stresse toujours ces traversées, pareil en escalade. Parce que même avec la corde, j'ai toujours peur de me prendre un pendule, même si c'est pas grave. Et ça fait rire Pascal !! :-)
M'enfin, je le rejoins bientôt sur son joli rocher. Un relais 4 étoiles, avec une monstre place, c'est fou comme ça fait du bien ! Nous devrions depuis ici rejoindre une bande de neige et monter sans soucis.
Sauf que la neige est toute fine et collée sur de la mauvaise glace qui part en assiette dès qu'on donne un coup de piolet ou de crampon ! J'entends Pascal jurer et je le vois avoir de la peine à mettre certaines broches !
De mon côté j'essaie d'éviter les morceau de glace qui tombent à une vitesse folle de tous les côtés ! Heureusement que j'ai le casque, mais ça donne un bon coup sur la tête lorsque j'en reçois un. Ca remet les idées en place on dira... :-)
Enfin, Pascal fait de son mieux et je ne suis encore pas trop fusillée ! Malgré tout dès que j'entends siffler, je me recroqueville en vitesse ! Ah, les joies de la montagne :-)
Malgré tout, nous arrivons enfin au sommet de la face, pas mécontents d'être sortis de ce passage délicat ! Je rejoins mon amis sur des rochers et nous sommes à quelques mètres d'une jolie arête en neige.
Je ne me pose pas trop de question, Pascal est face à moi, de l'autre côté d'un rocher que j'imagine devoir grimper. Je l'assure, appuyée contre un gros rocher, les pieds posés sur une pierre coincée entre deux autres. C'est bien gazeux cette affaire !
Mais pour l'instant la première chose à faire est d'assurer Pascal pour qu'il rejoigne l'arête. Encore une fois, ce n'est pas si évident et surtout assez exposé. Mais il passe rapidement et me dit de venir.
C'est là que l'affaire se corse ! Je ne peux pas grimper sur le rocher et c'est normal, puisqu'il faut le contourner. Sauf qu'il descendre sur un bloc coincé, passer sous le fameux rocher et donc éviter de m'empêtrer avec mon sac, puis essayer de traverser à califourchon pour rejoindre une arête neigeuse et tout ça avec un monstre vide et l'interdiction de se prendre une gamelle !
Mais bien sûr que je vais faire ça moi !!?? Humpffff, comme on dit, j'ai la monstre trouille et je ne sens pas du tout le truc. En même temps j'ai pas le choix, c'est pas l'hélico qui va venir me chercher et il faut bien y aller !
Je me parle et me motive tout fort, je respire comme une femme qui va accoucher et je passe l'affaire sans trop de soucis, mais avec les pulsation prochent de 200 :-)
Quel soulagement lorsque je rejoins l'arête en neige, mais ce n'est pas fini ! J'arrive tout de même à prendre la pause pour une photo ! Eh oui, que ne ferait-on pas pour un souvenir :-)
Il me reste ensuite quelques rochers à grimper et à rejoindre Pascal par une traversée en descente, tout ce que j'adore ! Je reprends la méthode du "je me parle et je m'encourge tout fort", et ça marche bien, même si j'ai l'air débile :-)
D'ici, les émotions fortes sont terminée et nous remontons la fine arête neigeuse avant de redescendre sur une vire et de remonter pour rejoindre la voie normale.
Toutes ces aventures nous ont coûté du temps, surtout la partie en glace où nous pensions monter à corde tendue, mais nous décidons malgré tout d'aller au sommet. Le vent y est très violent et nous prenons juste le temps de faire quelques photos avant de redescendre.
La voie normale est en excellente conditions et le retour est rapide jusqu'à la rimaye. Nous dépassons un couple d'allemands et arrivons au pied du sommet sans soucis.
D'ici nous devons marcher encore une dizaine de minutes pour rejoindre nos skis et enfin manger un peu et boire ! Nous sommes un peu crevés, car pas acclimatés, mais la journée n'est pas finie ! Il nous reste toute la Vallée Blanche à descendre jusqu'à Chamonix avec encore en tout cas un portage jusqu'aux Mottets.
Je pense que c'est la fatigue, mais j'ai la "rigolette" comme je dis toujours. Aussi, même si la descente est dure comme du béton et qu'il souffle un vent d'enfer, je ne m'en rends plus compte et je suis toute contente.
La dernière remontée passe plutôt bien, même si j'ai faili faire de la natation juste avant, tellement la neige à fondu ! Mais nous arrivons vaillament aux Mottets, prêts pour la dernière descente qui nous conduira à Chamonix.
Un ou deux déchaussages, de la marche dans la boue, on n'est plus à ça près, et nous arrivons enfin à Chamonix. Il est 18h30 et il ne fait même pas nuit, trop forts :-)
Nous posons nos sacs et partons boire un verre, un peu explosés, mais tout contents de notre belle journée, seuls au monde ! Bon, c'est normal d'avoir l'impression de porter son sac alors qu'on l'a posé depuis plus d'une heure ?! Quoi qu'il en soit, nous sommes déjà prêts et motivés pour de nouvelles aventures ! Merci Pascal pour cette complicité et ces moments merveilleux ! :-)
Album photos : http://www.leschouchoux.com/album-2200858.html