Jungfrau - 4158 m
Après une nuit en cabane comme presque toujours atroce, voici enfin arrivée l'heure de se lever, il est 4h00 ! J'ai arrêté de compter le nombre de fois où j'ai regardé l'heure sur mon natel à la douzième, autant dire que je n'ai pas fermé l'oeil !
De plus cela fait plus d'une heure qu'il y a un boucan du diable dans cette cabane, mais qu'est-ce qu'ils foutent et où peuvent bien aller tous ces gens ? Question à laquelle nous n'allons pas tarder à avoir la réponse.
Nous arrivons au réfectoire à 4h20 pour le petit déjeuner prévu à 4h30. Il fait encore nuit noir, aucune lumière, nous attendons donc patiemment. Mais nous sommes intrigués de voir passer plein de gens déjàs équipés de leur baudrier, de leurs chaussures et de leur veste... bizarre....
Tout à coup un monsieur me demande si j'attends pour le déjeuner. Je lui réponds que oui et il me dit qu'il n'y en a pas jusqu'à 6h30. Oups, c'est quoi cette plaisanterie, c'était écrit 4h30 sur le panneau et la gardienne nous l'a encore dit hier soir ?!
Il se trouve que ceci est très sérieux et que ces charmants gardiens ont décidé à 21h00 passée d'avancer l'heure du petit-déjeuner à 3h30. Et comme nous étions au lit à 20h45, nous n'avons pas été avisés !!!
Gros moment de mauvaise humeur avec l'envie de démolir la cabane et surtout de cogner les gardiens ! Non seulement leur accueil est mauvais, leur repas dégueulasse et en plus nous avons payé 12 francs chacun pour un déjeuner que nous n'avons pas eu !!!
Malgré tout, nous décidons de ne pas nous gâcher la journée et nous partons à 4h45 l'estomac vide, sans avoir mangé, ni bu ! Nous ne savons vraiment pas jusqu'où nous allons aller dans ces conditions et en plus Chouchou n'est toujours pas bien avec l'altitude.
Enfin, une fois dehors, nous décidons de laisser de côté cette histoire et de profiter de notre dimanche. Il fait grand beau, les étoiles brillent dans le ciel et la pleine lune veille sur nous, nous n'avons pratiquement pas besoin de lampe, c'est magnifique !
Nous nous dirigeons rapidement en direction du Jungfraujoch et mettons nos crampons et notre corde près du petit téléski. Les choses sérieuses commencent lors de la descente sur le Jungfraufirn. Heureusement qu'il fait nuit, car nous devinons à la lumière de nos frontales des crevasses énormes.
Mais la neige est dure et les ponts tiennent bien, malgré tout notre corde est bien tendue ! La trace louvoie au milieu de ces trous qui semblent n'attendre que nous ! :-)
Enfin, nous arrivons sans encombre au pied de la partie en rocher où la rimaye et un court passage en glace ont créé un petit bouchon. Nous attendons patiemment en admirant le jour qui se lève.
Le ciel se pare de couleur orange et rouge, c'est comme s'il prenait feu, absolument fascinant ! Nous passons la rimaye complètement glacée sans soucis et rejoignons les rochers rapidement.
Je ne me lasse pas d'admirer le lever du jour où les couleurs du ciel changent à chaque minute, c'est un cadeau de pouvoir être ici !
La partie rocheuse est facile et fort agréable à grimper et nous sommes tout heureux d'être ici ! Chouchou a tout de même toujours mal à la tête, mais il tient vaillament le coup !
Entre-temps le jours s'est levé et la vue sur l'immense glacier d'Aletsch nous fait comprendre combien nous sommes petits ! La vue d'ici est déjà majestueuse et impresionnante, trop beau !
Nous atteignons bientôt un éperon neigeux situé sous le Rottalhorn d'où nous avons une vue sur notre sommet du jour, si nous y arrivons ! En effet, nos estomacs crient un peu famine et ce n'est pas la forme des grands jours !
Mais pour l'instant, notre premier but est d'arriver au pied du Rottalsattel ! Nous montons une pente pas trop raide, mais notre rythme est assez lent et le souffle est court.
Enfin, nous prenons le temps de faire de petite pause pour admirer le paysage, mais surtout pour récupérer :-) Un petit coup d'oeil sur le Mönch où nous étions hier nous encourage et nous continuons bravement notre chemin.
Encore une traversée exposée à quelques séracs sous le Rottalhorn avant d'arriver sur une belle terrasse au pied du Rottalsattel. Toutes les cordées font une pause ici avant de continuer la course.
Chouchou n'est vraiment pas bien et décide de rester ici. Il n'a plus d'équilibre et ne veut pas prendre le risque qu'il nous arrive quelque chose. Par contre il nous encourage à continuer.
Comme toujours pas assez sûre de moi, j'hésite. Je sais que la fin de la course est exposée, que c'est là-haut que beaucoup d'accidents arrivent et que des militaires sont décédés il y a quelques années.
Mais encouragée et avec la motivation d'Olivier, je décide enfin de m'assumer et d'y aller. C'est donc ainsi qu'Olivier et moi partons à deux en direction de la Jungfrau.
La montée au Rottalsattel est en excellente condition et la neige assez dure. La rimaye est bien bouchée et dure comme du béton. Je pars devant et nous montons à corde courte sans soucis. Nous prenons même le temps de faire des photos !
Arrivés au col, nous nous faisons de petits signes avec Chouchou, puis nous continuons notre chemin. L'arête est en parfaite condition et la vue est juste grandiose !
La traversée qui me faisait soucis est équipée d'un pieu, mais la trace est tellement bonne que nous n'avons pas besoin de l'utiliser. Nous rejoigons les rochers sur la gauche et remontons la pente raide en neige.
C'est ici que nous retrouvons Daniel et ses OJ, qui ont eux le ventre plein ! :-) Nous échangeons quelques mots sympathiques avant de continuer notre chemin. Je me sens vraiment bien et c'est un vrai plaisir d'être ici. Pour Olivier tout va bien également et nous formons une cordée du tonnerre... pas très rapide, mais motivée :-)
La pente devient ensuite moins raide et le sommet semble tout proche. Ouai, semble... parce qu'au rythme où nous allons, j'ai plus l'impression qu'il s'éloigne qu'il ne se rapproche :-)
Mais enfin, après la souffrance des derniers mètres, nous voici enfin sur l'arête sommitale ! Encore quelques pas et nous atteignons enfin le sommet, il est environ 9h45 !
Quelle joie, nous sommes tout fiers de nous et tellement heureux d'être ici, d'autant qu'après notre début de journée, ce n'était pas gagné ! Nous avons pour quelques instants le sommet pour nous tout seuls et profitons de la vue et de faire quelques photos.
Tout près le Mönch où nous étions hier et toute la splendeur des alpes bernoises, un cadeau pour les yeux !
Devant nous l'Aletschhorn où nous nous réjouissons aussi d'aller et au loin nos magnifiques alpes valaisannes ! Trop trop beau, il n'y a pas de mots pour décrire ce que je ressens !
Nous avons une grande pensée pour Chouchou qui nous attend un peu plus bas, nous pouvons le voir d'ici ! Je l'ai en tout cas emmené dans mon coeur jusqu'ici !
Nous faisons une petite pause et ne tardons pas à redescendre car le vent s'est levé et nous savons que le mauvais temps est annoncé pour la fin de la journée.
La prudence est de mise et nous restons concentrés sur nos pas. Nous descendons corde tendue jusqu'à la partie raide au-dessus de la traversée. D'ici je décide d'assurer Olivier sur un pieu et il descend tranquillement en mettant une sangle sur le prochain, puis m'attend et m'assure sur celui fixé dans la traversée.
Je désescalade tranquillement dans la neige devenue entre-temps bien molle et je me concentre. J'ai une grande pensée pour Pascal et repense à tout ce que j'ai appris. Pas trop envie de m'en prendre une ici ! Tout se passe bien, si ce n'est qu'un abruti m'envoie un bloc de glace sur la tête !
Enfin, plus de peur que de mal et je me grouille de rejoindre Olivier. D'ici nous redescendons tranquillement jusqu'au Rottalsattel. Nous faisons un encrage béton au col et je fais descendre mon copain de cordée. La neige n'étant plus assez dure, nous ne voulons pas prendre le risque de descendre à corde courte.
Je le rejoins ensuite sans soucis et nous retrouvons Chouchou tout heureux de nous voir de retour. Il commençait à se faire du soucis ! Il faut dire que nous avons pris notre temps pour nous assurer et que les minutes passent plus vite en bougeant qu'en attendant !
Les premiers nuages commencent à arriver et nous ne tardons pas à attaquer la descente. Celle-ci est rapide, car elle coupe droit dans une pente, au milieu de magnifiques séracs.
Nous rejoignons bientôt un plat et continuons notre chemin en louvoyant entre de grosses crevasses. La dernière petite montée qui tue, sous le soleil, nous conduit bientôt à la gare du train.
Et voilà, il doit être environ midi et nous arrivons tout heureux de ce magnifique week-end dans l'Oberand Bernois. Que d'émotions et de magnifiques moments partagés pour notre dernier week-end de la saison en haute-montagne.
Maintenant place aux vacances, mais avant cela une bière bien méritée et surtout enfin manger ! En 48 heures nous n'avons pratiquement rien avalé, autant dire que nos estomacs crient famine :-)
Nous nous arrêtons à Wengen où Francine, la maman de Chouchou, passe quelques jours et faisons une terrasse en sa compagnie. Que rajouter à tout ceci, si ce n'est que la vie est belle ?!
Un tout grand merci à mon copain de cordée du jour, pour ta confiance, ta motivation, ta bonne humeur et ton excellente compagnie et à mon Chouchou pour m'avoir motivée et encouragée et nous avoir patiemment attendus ! Merci de croire en moi !
Album photos : http://www.leschouchoux.com/album-1943978.html
Topo : http://www.camptocamp.org/routes/45560/fr/jungfrau-par-le-rottalsattel-et-l-arete-se-voie-normale